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Urbayiti renforce la filière pêche à Jérémie à travers des associations de pêcheurs et de marchandes de poissons

visite d’échange d’une délégation de pêcheurs et de marchandes à Jacmel et à Belle-Anse

Urbayiti est un projet financé par l’Union Européenne et réalisé par GOAL, Fonkoze, ActionAid Haïti et l’Etat haïtien. Il vise à améliorer la résilience des quartiers cibles de Jérémie par le renforcement de systèmes socio-économiques cibles comme les secteurs de la pêche, l’ébénisterie et la production et l’agro-transformation. Dans la filière pêche, le partenariat entre ActionAid Haïti et GOAL, a suscité le regroupement de trois associations de pêche en consortium pour une pêche durable et contribuant au développement rural.  

Structurer concrètement la filière pêche à Jérémie

Alors que le poisson est une ressource disponible sur la côte de la Grand’Anse, son exploitation a beaucoup diminué du fait de l’augmentation de la pression exercée par la pêche non règlementée incitant la détérioration de certains écosystèmes favorables à la reproduction des poissons et crustacés (MARNDR, 2010). La pêche demeure l’une des activités socio-économiques les plus importantes dans la région de Jérémie. Avant l’implémentation du projet Urbayiti, les pêcheurs, maintenant réunis en associations, devaient aller en haute mer pour capturer une quantité suffisante de fruits de mer en risquant leur vie sur des embarcations de fortune avec des matériels rudimentaires pour de maigres revenus. En finançant l’achat de matériels, la formation sur la gestion de la pêche et la création de micro-entreprises, ils aspirent à une pêche artisanale améliorée pour une répartition convenable des bénéfices au sein des associations de pêcheurs et la création d’emplois. La mise en place d’un Dispositif de Concentration de Poissons (DCP) et d’équipements de pêche modernes apporte une solution concrète au développement du secteur. « Cette initiative a tout changé, c’est un acte qui nous rend très confiants. Nous allons pouvoir capturer de gros poissons. Avec ce dispositif, nous pouvons enfin quitter la pêche archaïque pour évoluer vers de nouvelles techniques », s’est rassuré Louis Jean Opson, président de la Plateforme des Pêcheurs Artisanaux de Jérémie (PPAJ). « Avant notre participation au projet, seulement les dominicains et les cubains exploitaient tous les poissons dans la région car nous n’avions pas de matériels adéquats » a-t-il déploré.

Jean Louis Obson, président de la Plateforme des Pêcheurs Artisanats de Jérémie (PPAJ).
Jean Louis Obson, président de la Plateforme des Pêcheurs Artisanaux de Jérémie (PPAJ) lors du montage du Dispositif de Concentration de Poissons (DCP) à La Pointe
ActionAid Haiti

Ces associations de pêcheurs, appelées Pechè kore Pechè (Solidarité entre Pêcheurs) et réunissant 136 membres, disposent maintenant de bateaux à moteur, de GPS, d’équipements de pêche, de matériels de protection pour travailler dans de meilleures conditions. De plus, elles disposent de moyens de conservation pour la commercialisation des produits, ce qui diminue les risques de pertes à tous les niveaux des filières de vente. «Aujourd’hui, nous allons pouvoir pêcher de gros poissons tout comme les cubains et les dominicains grâce à tous ces nouveaux matériels et ces équipements. Nous avons des congélateurs solaires, des glacières, des séchoirs et des fumoirs pour la conservation et la transformation de nos produits. Cela va non seulement améliorer les conditions dans lesquelles nous travaillons mais aussi aider la population des environs qui consomment beaucoup de poissons», a poursuivi Louis Jean Opson, l’air satisfait.

Jean Louis Obson, président de la Plateforme des Pêcheurs Artisanats de Jérémie (PPAJ).
Jean Louis Obson, président de la Plateforme des Pêcheurs Artisanats de Jérémie (PPAJ) lors de la mise en du du Dispositif de Concentration de Poissons (DCP) à 12 kilomètres de la ville de Jérémie
ActionAid Haiti

Promouvoir la participation active des femmes dans la filière pêche à Jérémie

Le souci de structurer la filière pêche atteint également les femmes actives dans le secteur. Elles sont celles qui transforment et vendent aux abords des rues et aux marchés les produits de la mer. Certaines femmes vendent des poissons frais. D’autres choisissent, comme alternative, le fumage ou le séchage du produit. Groupées en coopérative de Machann kore Machann (Solidarité entre Marchandes), elles s’unissent pour mieux investir dans la filière. « La vente de poissons est tout pour moi. Avant le projet, il n’était pas facile pour moi d’avoir une rentrée acceptable, je n’avais pas de moyens pour conserver les poissons. Ainsi, il fallait se débrouiller pour vendre rapidement la marchandise même à un prix dérisoire», a expliqué Rose Andrée Jean Baptiste, marchande de poissons et mère de quatre enfants. «Avec le projet Urbayiti, il y a eu beaucoup de changements. Nous avons des matériels et un local pour tenir des réunions. Nous avons également eu des formations », a-t-elle indiqué. Avec ce projet, il y a eu une amélioration dans la vente des fruits de mer, ce qui permet aux femmes de ces trois associations de subvenir aux besoins de leurs familles tout en contribuant au développement de la filière.

Rose Andrée Jean Baptiste, marchande de poissons et mère de quatre enfants.
Rose Andrée Jean Baptiste, marchande de poissons et mère de quatre enfants.
ActionAid Haiti

La création de la coopérative Machann kore Machann vise à renforcer les compétences qui sont indispensables à l’émancipation économique des femmes dans le secteur de la pêche. « Urbayiti m’a aidé à améliorer ma situation économique. Nous n’avions jamais eu personne à penser à notre sort. Le soutien à notre coopérative nous donne une autre perspective. J’arrive à faire fructifier mon commerce grâce à cet appui», s’est réjouie Rose Andrée Jean Baptiste, l’une des 56 marchandes de l’association. Le renforcement des capacités des femmes à mieux répondre aux attentes du marché a posé des jalons pour le développement de la pêche à Jérémie. En mettant en avant les femmes, le projet Urbayiti a également aidé à déconstruire la stigmatisation infligée à ce métier. « Avant marchande de poisson était pratiquement une injure maintenant nous sommes fières de notre activité. Je suis fière d’être une pêcheuse et une marchande de poisson. Je me sens intégrée, valorisée et je gagne ma vie grâce à ce métier» a fièrement déclaré Rose Andrée Jean Baptiste. Cette démarche de renforcement est au cœur de la lutte contre la pauvreté et la vulnérabilité des femmes, occasionnées par le passage de l’Ouragan Matthew qui a pratiquement dévasté la Grand’Anse en 2016. « ActionAid Haiti, par son engagement à promouvoir le leadership des femmes dans ce secteur, a non seulement aidé les femmes à avoir une meilleure rente sur les activités de vente, mais a aussi renforcé la participation des femmes dans les activités de capture de poissons, lesquelles sont généralement réservées aux hommes», a corroboré, Angeline Annestéus, Directrice d’ActionAid Haïti.

 

Rose Andrée Jean Baptiste et une autre marchande de poissons
Rose Andrée Jean Baptiste et une autre marchande de poissons
ActionAid Haiti

La promotion du travail collectif et le partage du savoir-faire sont également encouragés pour garantir la pérennité des actions. Une visite d’échange d’une délégation de pêcheurs et de marchandes à Jacmel et à Belle-Anse a permis aux associations de se renseigner mutuellement sur les techniques novatrices dans le secteur et les défis. Cet échange a aussi donné lieu à des réflexions sur le niveau organisationnel des pêcheurs et acteurs impliqués pour la création de structures devant représenter et défendre leurs intérêts communs.