Une jeune militante engagée dans la lutte pour les droits des femmes en Haïti
Dans le monde, le mouvement féministe a mobilisé un nombre important de femmes depuis de très longues années. Cette longévité est due non seulement au fait que les féministes ont toujours transformé le système de genre, en remettant constamment en cause l’ordre social établi mais aussi à l’implication au fil des ans de jeunes filles, conscientes des inégalités basées sur le genre dès leur plus jeune âge.
En Haïti, ActionAid soutient les organisations locales qui s’impliquent dans la lutte contre toutes formes de violence sur les femmes et les filles dans leurs communautés. L’organisation leur accompagne dans des projets qui visent les catégories les plus vulnérables mais également leur organise régulièrement des formations pour renforcer leurs capacités. Cette année, pour clôturer les 16 jours d’activisme, ActionAid Haïti a eu le plaisir de rencontrer Tchessie Louis, une jeune féministe membre d’une organisation locale partenaire, Oganizasyon Fanm Solidè (OFASO), qui a partagé son parcours et ses motivations.
Tchessie détient un diplôme en gestion et se révèle être une jeune féministe très engagée dans la lutte pour les droits des femmes en Haïti, précisément au Cap-Haïtien, sa ville natale. Elle occupe les postes de coordonnatrice-adjointe, animatrice et responsable de la cellule des jeunes au sein d’OFASO. « J'ai intégré le mouvement féministe depuis un bon moment. Et l’une des raisons est tout simplement parce que c'est une lutte mondiale pour défendre les droits des femmes. La situation en Haïti est plus grave, à mon avis, car même dans les écoles classiques et dans les familles, les femmes n'ont jamais vraiment droit à la parole », nous dit-elle tout en se préparant pour se rendre à la Faculté de Droit du Cap-Haitien où elle va assurer la surveillance d’épreuves d’examen comme bénévole durant ses temps libres.
Depuis l'âge de 15 ans, Tchessie nous raconte qu’elle avait l'habitude de représenter son école dans différentes activités scolaires. Mais déjà, à cet âge, la jeune femme avait observé que même si c'est une femme qui assure l’animation, quand vient le temps de poser des questions, c’est toujours aux hommes qu’on donne la parole comme si les petites filles présentes étaient des figurantes pour la galerie. Une forme d’injustice qui a toujours révolté la jeune Tchessie. « A cette époque, dans les ateliers, tout le monde dans les groupes accepte toujours de se faire représenter par un garçon. Et si je demande de jouer ce rôle ou d'autres filles veulent le faire, on nous dit non car les gens vont rire de nous », s’est-elle souvenue avec regret.
Avec le temps, Tchessie a commencé à suivre la situation des femmes assidûment tout en observant que les différentes formes d’injustice qu’elles subissent sont liées tout simplement à leur sexe. « Je rejoins la lutte parce que je comprends que ce sont les femmes qui connaissent les problèmes des femmes. Ce sont les femmes qui peuvent d’abord aider les femmes. Cela fait longtemps que je me débrouille pour donner le meilleur de moi-même dans cette lutte. Je m’engage aussi pour que d’autres jeunes puissent faire leur preuve et donner le meilleur d’elles pour les autres femmes, car c'est une chose positive. » insiste la jeune militante qui ne rate jamais une occasion pour aborder la question. « Je réagis à tout ce qui se passe contre les femmes dans ma communauté que ce soit par des conseils voire des actions. Je persiste dans le mouvement féministe car je me sens capable de contribuer à la lutte, cela me motive », explique-t-elle.
Aujourd’hui, Tchessie s’interroge sur la réticente de certaines jeunes filles à s’impliquer dans la lutte pour la déconstruction des stéréotypes liés au genre et à s’ériger contre les constructions sociales qui constituent des obstacles aux droits des femmes. Elle pense que beaucoup de jeunes croient malheureusement qu'il s'agit surtout d'une rivalité entre hommes et femmes. « Certaines jeunes filles pensent aussi que le mouvement féministe peut les empêcher de vivre avec leurs compagnons. Elles montrent qu'elles ne sont pas concernées car elles ne comprennent pas la lutte. » avoue-t-elle en constatant que de nombreuses femmes, peut-être mal informées, participent à une campagne de dénigrement du mouvement féministe en Haïti. « En effet, il est encore normal, pour certaines jeunes, d’être battues par leurs partenaires sous prétexte de correction. Il y a également un manque de solidarité entre les organisations de femmes. Cela a un impact considérable sur les efforts déployés et les résultats escomptés. Ensemble, on aurait pu avoir un plus grand impact », déplore-t-elle.
Depuis son intégration au sein d’OFASO, Tchessie apporte sa contribution à la lutte pour le respect des droits des femmes et des filles à travers différentes activités. Elle a aidé à mettre en place une cellule pour des filles de 10 à 18 ans afin de les intégrer au mouvement féministe et les sensibiliser contre la marginalisation des femmes dans la société. Tchessie leur apprend également l’histoire du mouvement en Haïti à partir de témoignages pour qu’elles comprennent que la lutte n'a jamais été facile. Sur le terrain, à travers les réseaux sociaux et autres organes de communication, elle informe les gens sur le travail d’OFASO dans la communauté pour faire changer les mentalités sur les inégalités du genre. Dans les écoles et même dans les communes reculées pour former plus de femmes, avec le temps Tchessie se révèle être une militante toujours disposée à monter au front pour défendre les droits des femmes.